vendredi 25 mai 2012

Les trois mille fantômes. Nudillo du Mont Perdu.

Entre le Cylindre du Marboré et le Mont Perdu se dresse une crête où les strates de la roche calcaire ont pris une position verticale. La paroi Est du Cylindre montre bien clairement le plissement brutal dont a pâti le rocher. Les couches successives qui apparaissent sur la crête ont supporté l'érosion de différente manière et quelques-unes ont formé le piton du Doigt. Entre celui-ci et le Cylindre certaines strates se sont maintenu élevées et composent deux petites proéminences écartées du Doigt par une brèche profonde de 14 mètres. Cette conformation se distingue très bien depuis le Piton SW du Cylindre, d’où on peut remarquer comment quelques strates sont érodées et d'autres non en formant une sorte de gâteau feuilleté. Une corniche qui suit l’une de ces strates unit par le côté Sud le col du Cylindre à la brèche entre Nudillo et Doigt, elle est praticable sur toute sa longueur.

Nudillo et Doigt du Mont Perdu depuis le Piton SW du Cylindre. (Auteur: Martín Garmendia)


Les premiers parcours de la crête entre le col du Cylindre et le sommet du Mont Perdu ont une histoire curieuse. On peut en lire le récit dans l'œuvre toute récente d'Alain Bourneton : « Gavarnie. Histoire d'un grand site ». Éditions Le pas d'oiseau, Toulouse, 2010.

À Gavarnie, un des problèmes de l'époque consistait à raccourcir l'itinéraire du Mont Perdu, qui était la course la plus demandée. En effet, à partir du village on se servait de deux voies : par la Brèche de Roland, en parcourant tout le versant Sud des Marborés, en dormant aux cabanes de Goriz ; ou en passant par la Brèche de Tuquerouye pour monter au col du Cylindre et par le couloir NW parvenir au sommet. D'ordinaire, les deux chemins se combinaient : la montée par Tuquerouye et le retour par la Brèche de Roland.

Sur la carte, l'accès le plus direct impliquait de passer par les Rochers Blancs. Il semble que ce parcours fut découvert par Laurent Passet, qui proposa en 1861 à Russell de réaliser cette première, selon Beraldi. Bien que l’on ait des doutes sur l'année qui pourrait être 1858, le 13 septembre comme c’est écrit dans le registre de l'Hôtel des Voyageurs.

En résumé, la course se fit en atteignant le col d'Astazou directement depuis Gavarnie. De là ils passèrent sur le glacier du col du Cylindre et poursuivirent par la crête. Ils durent forcément traverser le Nudillo, descendre à la brèche précédant le Doigt, longer ce dernier par les corniches existantes du côté Nord, et enfin, parvenir sur la cime par la partie supérieure du couloir NW.

Mais ce qui n'était pas rare à l'époque, Laurent Passet aurait vendu cette première trois fois, selon Bourneton dans son livre.

Quelqu'un nommé Armengaud décrit cette course dans un livre publié en 1861 : « Escapades d'un homme sérieux », E. Dentu, París. Il offre assez de détails qui rendent crédible son ascension, et donc a pu devancer celle de Russell. Voici un extrait de son récit où il décrit la crête au-dessus du col du Cylindre : « Entre le Cylindre et le Mont Perdu se trouve une arête formidable que l'on peut comparer à un immense coutelas, ou plutôt au cou d'un cheval monstre, hérissé d'une effroyable crinière. Du côté du premier mont, l'inclinaison est très douce, et l'on peut y poser le pied sans crainte. Mais on se trouve bientôt devant une forêt de dents aiguës, sur lesquelles il faut tour à tour marcher, gravir et ramper avec beaucoup de prudence, sous peine de perdre l'équilibre et d'aller gesticuler en Espagne. À nos pieds du côté nord, commencent à se dérouler des nappes de neiges éternelles, qui se transforment bientôt en immenses gradins d'une glace qui est la plus belle des Pyrénées [...]. Nous aboutîmes à une console de trois décimètres de largeur. Du sang-froid ! car il faut poursuivre sans que la main trouve où s'accrocher ! Autour de nous une ceinture de gouffres, où il faut se garder de plonger l'œil trop complaisamment, car le vertige est fatal ! [...] ».

Et dans une rarissime plaquette intitulée "Le Marboré et le Mont Perdu - Juillet 1861" M. Fournier, notaire de Bordeaux, rédige le récit d'une autre de ces premières : « Le 25 juillet, accompagné de Laurent Passet et de Fortané, je quittai l'auberge de Gavarnie à trois heures du matin... ».

Quoi qu'il en soit, cette cote n'est même pas comprise dans la liste de cotes restantes de Buyse, ni n’est citée par Angulo, Alejos ni Capdevila. C'est vrai qu'elle est très peu visible, car de presque tous ses alentours, la crête semble se dérouler sans discontinuer jusqu'à culminer dans le Doigt du Mont Perdu.

Le 13 avril 2011, Martín Garmendia explorait la crête, avec d'autres aiguilles dans le versant Est du Cylindre, trouvant une altitude pour la cote du Nudillo de 3176,1 mètres, et dans la brèche qui le relie au Doigt de 3160,9 mètres. Donc une proéminence de 15,2 mètres. L'altitude de cette cote-ci notée dans la cartographie du Servicio de Información Territorial de Aragón (SITAR) est 3174,05m. La cote 3174 est aussi signalée dans la feuille 146-IV Monte Perdido de la Carte Topographique Nationale d'Espagne au 1/25000, 2ème édition, 2006.

Le nom de Nudillo du Mont Perdu est inspiré par sa forme et son emplacement près du Doigt du Mont Perdu. Le mot "nudillo" est en espagnol la jointure des doigts de la main.

Crête entre le col du Cylindre et Mont Perdu vue du versant Est du Cylindre. (Auteur: Martín Garmendia)


Données techniques :

Brèche Nudillo-Doigt ......... 31T x:256842 y:4729687 z:3160,9m
Nudillo du Mont Perdu.... 31T x:256811 y:4729751 z:3176,1m

Consultez l'activité dans le lien suivant :
Nudillo du Mont Perdu.

FTer

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