mercredi 11 septembre 2013

Liste des trois mille de Joan García (1983).

Joan García, membre du Club Excursionista Pirenaic à Barcelone, publie dans le Bulletin du club, en 1983, une nouvelle liste des trois mille. Dans ce cas, c'est le résultat de son activité montagnarde. Durant cinq ans, d'août 1977 au même mois 1982, l'auteur gravissait en 75 jours d'activité tous les 138 trois mille qu'il recense dans sa liste. La liste en entier, bien détaillée, est publiée dans les bulletins nº296, 297, 298 et 299 du Club en 1983. Nous n'avons pas pu trouver le numéro 299. De plus, Joan García ajoute que la liste complète fut publiée antérieurement dans le Bulletin nº284, dont nous ignorons l'année car, là non plus, nous ne l'avons pas trouvé. Joan García fait référence dans sa deuxième publication de deux listes préalables qu'il a pu trouver. Nous ne savons pas lesquelles, puisqu'elles sont citées dans le numéro 299. Si un lecteur de ce Blog peut nous fournir des informations sur les deux revues que nous n'avons pas pu trouver (284 et 299 du Club Excursionista Pirenaic), nous serions très reconnaissants.

Joan García, comme Manuel Cortés dans sa liste de 1977, sépare la chaîne en différentes zones ou massifs et les classe d'Ouest en Est. Cette classification est celle qu'emploiera Buyse. Il signale aussi la nationalité des sommets, utilisant "E" pour les pics espagnols, "F" pour les français et "E-F" pour les frontaliers.

En plus de la liste de cimes, Joan García signale les accès pour chacun des massifs, la cartographie, les guides et une série de notes du plus grand intérêt sur la toponymie, l'histoire et les anecdotes de quelques sommets, signalant des divergences d'altitudes et des cimes qu'il considère anonymes, ce qui, naturellement, conditionnera les listes futures et quelques désaccords toponymiques.

Nous reproduisons ci-dessous les trois mille de la liste de Joan García, en ajoutant, vu leur intérêt, les notes qu'il a écrites ; celles-ci sont signalées au moyen de chiffres arabes à côté du nom concerné. Pour nos annotations, ici nous nous servons de lettres. Le secteur de la Pique d'Estats est décrit dans le bulletin qui nous manque, c'est pourquoi nous ne le reproduisons pas.

Balaitous-Infiernos      
       
Frondella Occ. (1) 3006m E  
Frondella Central 3025m E  
Frondella Oriental 3063m E  
Pico Anónimo (Aiguille Cadiar) 3022m E (a)
Balaitous (Pico Moros) 3144m E-F (b)
Torre de Costerillou (T. Cadier) 3049 E-F  
Aguja d'Usell 3022m E-F  
Gran Facha 3005m E-F  
Infierno Occ. (2) 3076 E  
Infierno Cent. 3072 E  
Infierno Or. 3056 E  
Pico de los Arnales (3) 3006m E  
Garmo Negro (4) 3051m E  
Pico de Algas (Pico de la Bandera) 3021m E (c)
Pico Arnalas (Argualas, Arualas) 3046m E (d)


(1) Dans la carte de l'IGN (Carte Touristique 274), cette cime est clairement placée, mais non dans celle d'Editorial Alpina, où, les courbes de niveau n'atteignent même pas la cote des trois mille mètres. Ce pic est, par conséquent, un des pics qui ne figure pas comme un trois mille défini, si nous tenons compte des divergences entre les deux sources d'information.

(2) D'accord avec le guide du C.E.C. (Vignemale-Monte Perdido), l'ensemble des trois pics est connu, aussi, comme "Quijada de Pondiellos".

(3) En ce qui concerne la toponymie et l'altitude de cette cime-ci, tout comme celles des trois suivantes, les divergences entre les différentes sources consultées sont considérables. En raison de cette confusion et comme il faut choisir un critère précis, on a choisi celui de la carte Alpina.

(4) On nomme l'ensemble de cette cime et les deux suivantes "Picos de las Argualas". L'Argualas fut le premier trois mille atteint en territoire espagnol et par un Espagnol (V.Heredia et R.Junker en 1790).

(a) C'est le sommet qui figure comme Pico Anónimo dans la cartographie espagnole. Mais il fut baptisé comme Pic Cadier par la Commission de Toponymie et de Topographie en août 1919.

(b) (c) Pour un éclaircissement des toponymes Moros et La Bandera, voir l'entrée de ce Blog correspondante à la liste de Salvador Morales (1973).

(d) Le nom d'Arnales pour le sommet d'Argualas vient de la cartographie officielle espagnole en 1936.

Vignemale      
       
Pique-Longue (G.Vignemale) 3298m E-F  
Pitón Carré (Jumeaox) 3197m F (e)
Punta Chausenque (1) 3204m F  
Petit Vignemale (2) 3032m F  
Pico del Clot de la Hount 3289m E-F  
Pico de Cerbillona 3247m E-F  
Pico Central 3235m E-F  
Montferrat 3219m E-F  
Gran Tapou 3150m E-F  
Tapou Milieu 3130m E-F  


(1) C'est le pic le plus haut des Pyrénées situé complètement dans territoire français.

(2) C'est sans doute le trois mille qui offre l'ascension la plus brève et courte depuis un lieu bien défini, le refuge de Bayssellance. Mais l'accès à ce refuge n'est ni si bref, ni si court.

(e) Piton Carré ou Jumeaux, nom utilisé dans le Guide Ollivier Vignemale-Monte Perdido en espagnol de 1968.

Marboré-Monte Perdido      
       
Gabietous Occ. (1) 3034m E  
Gabietous Or. 3031m E-F  
Taillón 3144m E-F  
El Casco 3006m E-F  
Torre de Marboré 3009m E-F  
Espalda de Marboré 3073m E-F  
Pic Occ. de la Cascada (2) 3095m E-F  
Pic Central de la Cascada 3106m E-F  
(Pic Brulle)      
Pic Or. de la Cascada 3161m E-F  
Marboré 3248m E-F  
Petit Astazú 3012m E-F  
Grand Astazú 3071m E-F  
Cilindre de Marboré 3325m E  
Dedo del Monte Perdido 3178m E  
Monte Perdido 3355m E  
Soum de Ramond (P. Añisclo) 3254m E  
Punta de las Olas 3002m E  


(1) Les Gabietous sont les trois mille avec une ascension de moindre dénivellation et parcours d'un lieu accessible en voiture. Depuis le col de Boucharo (route depuis Gavarnie), la dénivelée jusqu'au Pic des Gabietous n'atteint pas les 800m pour un parcours de la voie normale d'à peu près de deux kilomètres. Mais, il faut bien l'avouer, en ce qui concerne sa difficulté, cette ascension n'est pas si simple, si on la confronte avec la majorité des voies normales d'autres trois mille des Pyrénées.

(2) Il n'est pas clair du tout de savoir quels sont exactement les nombreux pics de la Cascade, selon les différentes cartes, guides et y compris l'appréciation même sur le terrain, tenant compte du fait qu'il y a plusieurs proéminences qui peuvent se considérer pics ou cimes dans cette zone. Au cas où on désire gravir tous les pics de la Cascade, le plus normal est de parcourir toutes les cimes sur la divisoire, ce qui, en plus, n'offre aucune difficulté spéciale.

La Munia      
       
Peña Robiñera (Lauseres) (1) 3003m E  
La Munia 3133m E-F  
Petite Munia 3095m E-F  
Pico de Sierra Morena 3090m E-F  
Pico de Troumouse 3085m E-F  
Pic Heid 3022m F  


(1) Dans le guide du CEC (Vignemale-Monte Perdido), ce pic figure avec une altitude de 2983m. Dans toutes les autres sources d'information consultées (y compris la petite carte qui accompagne le texte cité dans le guide) il figure avec une cote de 3003m.

Pic Long-Nèouviélle (1)      
       
Pic de Crabounouse 3021m F  
Pic Bougarret      
(Pic d'Estibère Bonne) 3031m F  
Dent d'Estibère Male 3017m F  
Pic Long 3192m F  
Pic Maubic 3058m F  
Pic Badet      
(Pic d'Estibère Male) 3160m F  
Pic Maou 3074m F  
Pic Campbieil 3157m F  
Pic d'Estaragne 3006m F  
Turón de Nèouviélle (2) 3035m F  
Pic des Trois Conseillers      
(Pic de Maniportet) 3039m F  
Nèouviélle (Pic d'Aubert) 3091m F  
Pic Ramougn 3011m F  


(1) C'est le seul massif pyrénéen avec des cimes au-dessus de trois mille mètres situé dans sa totalité en territoire français.

(2) Ce pic offre, selon le guide Ollivier et le guide d'itinéraires de ski de la F.F.M, l'ascension la plus facile d'un trois mille, pour son accès, sa dénivellation et sa difficulté technique. Mais il parle de la montée par le versant Nord depuis le refuge de la Glère. Cette cime fut, semble-t-il, le premier trois mille gravi dans les Pyrénées (Henri Reboul et Vidal le 2 août 1787).

Bachimala      
       
Pico de Culfreda (Batoua) 3034m E-F  
Pic Lustou 3023m F  
Abeillé Occ. (1) 3024m E (f)
Abeillé 3028m E-F  
Petit Bachimala 3061m E-F  
Punta Ledormeur 3120m E-F  
Bachimala (Pic Schrader) 3177m E-F  
Punta del Sabre 3136m E-F  


(1) Ce pic est le seul, qui, ayant une personnalité indiscutable, figure sans nom dans toutes les sources consultées. Le nom mentionné dans la liste vient d'une référence du Guide Ollivier, où, dans le quatrième paragraphe, page 80 est écrit : "... depuis ce point on peut, en peu de minutes, atteindre la pointe 3024, située à peu près à 200 mètres dans le versant espagnol, et parfois, nommée comme "Abeillé Occidental".

(f) l'Abeillé Occidental, c'est l'actuel Pic de la Pez. Comme cela est signalé, la donnée est extraite du Guide Ollivier. C'est la première fois que ce pic figure dans une liste, bien qu'il ait été cité par Jean Arlaud en 1937. Dans la cartographie officielle espagnole, dans la première édition de la feuille 147-Liena de la Carte Topographique National en 1938, il figure sans nom et avec 3024m. Henri Baudrimont l'incluait dans sa carte faite en 1939 avec le nom Pic du Port de la Pez. Également on peut le trouver dans une rare carte des Pyrénées Centrales faite par José Antonio Oyarzabal dans les années cinquante, avec, ici, le nom Pico de la Pez.

Macizo de Posets      
       
Los Gemelos (1) 3160m E (g)
La Bardamina 3079m E  
Pico de Posets (Llardana) 3375m E  
Pico de Espadas (Llardaneta) 3332m E  
Diente de Llardana      
(Tucón de la Canal) 3085m E  
Tucón Royo (Pavots) 3121m E  
Forqueta de Eriste (Turets) 3007m E  
Eriste Norte (Beraldi) 3025m E  
Gran Pico de Eriste      
(Bagüeñola) 3053m E  
Eriste Sur (Bagüeñola Sur) 3045m E  


(1) En avant de ce double pic, il y a une autre cime, située au Nord, qu'on devrait considérer comme un sommet à part, parce qu'il a sa personnalité propre, car il apparaît très distinct de la cime principale, autant à la vue qu'en faisant le parcours, ou dans la carte où il figure avec une cote de 3125m.

(g) La note rédigée par Joan García sur cette cime est capitale, puisqu'elle signale l'anonymat de la cote 3125m et explique, très vraisemblablement, la raison de l'intérêt de Juan Buyse pour baptiser cette cime, dans sa liste de trois mille, de son sobriquet : Pic du Vétéran. Mais déjà, dans la liste de Salvador Morales en 1973, ils figurent comme Gemelos Nord et Sud ; nomenclature utilisée aussi par Salvador Acaso dans un article dans la revue Cimas en 1975.

Barrera Septentrional      
       
Pic de Clarabide (1)      
(Clarabide Sur) 3028m E-F  
Pic de Gias (Clarabide Or.) 3011m E (h)
Clarabide Norte 3012m E-F  
Pic Camboué (2) 3003m F (i)
Pic Saint-Saud 3043m F (j)
Punta Lourde-Rocheblave 3104m E-F  
Pico de los Gourgs Blancs 3128m E-F  
Pico Jean Arlaud      
(Pico de Oô) 3065m E-F  
Pic Gourdon 3034m F  
Pic des Spijoles 3065m F  
Pic Belloc 3008m F  
Cap de la Baquo (3) 3103m E-F  
Pico de la Baquo 3114m E-F  
Pico del Portillón de Oô 3050m E-F  
Perdiguero 3222m E-F  
Pico Royo 3121m E-F  
Punta Literola 3132m E-F  
Pic Quayrat 3060m F  
Pic Lezat 3107m F  
Crabioules Occ. 3106m E-F  
Crabioules Or. 3116m E-F  
Pico de Malpás 3109m E-F  
Pico de Boum 3006m E-F  


(1) Comme on peut conclure de la disparité des cotes et des noms, il semble y avoir assez de confusion au sujet de ces trois premières cimes. Pour élaborer la liste, dans ce cas, je me suis servi de l'information de la carte Alpina.

(2) Les deux cartes utilisées et la plupart des références sont plus ou moins d'accord sur la cote et l'emplacement du Saint-Saud. Le Pic Camboué est cité seulement dans le Guide Ollivier, mais si nous lisons attentivement tout ce qui fait référence à cette cime et sa voisine, nous voyons, page 97, qu'elles sont inversées, échangeant leurs altitudes, et disant que "... la carte IGN semble être fautive ...". Pour l'élaboration de la liste j'ai choisi l'information fournie dans les cartes, mais je fais observer la confusion qui existe à ce sujet.

(3) Encore plus de confusion dans les dénommés Pics de la Baqou. Il y a non seulement divergences quant aux cotes et aux noms, mais aussi pour le nombre de pics qui compose ce groupe. Les pointes qui saillent et qui méritent, par conséquent, d'être considérées comme cimes, sont quelques-unes en plus des deux comprises dans la liste.

(h) L'inclusion du Pic de Gias entre les Clarabide vient du "Guide de la région d'Aure et de Luchon" d'Armengaud et Comet en 1953.

(i) (j) Joan García montre l'inclusion erronée de ces sommets dans la carte de l'IGN français de 1953.

Massis de la Maladeta      
       
Pico de Alba 3100m E  
Diente de Alba 3115m E  
Maladeta Occ. (1º Pic)      
(Pico Cordier) 3270m E  
Maladeta Occ. (2º Pic) 3220m E  
Maladeta Occ. (3er Pic) 3178m E  
Pico de Le Bondidier 3150m E  
Maladeta 3300m E  
Pico Maldito 3350m E  
Punta Astorg 3354m E  
Pico del Medio 3145m E  
Pico de Coronas 3310m E  
Pico de Aragüells 3037m E  
Pico de Piedras Albas (1) 3000m E (k)
Pico de Cregüeña      
(Estatata Or.) 3000m E (l)
Aneto 3404m E  
Agulla de Franqueville      
(Agulla de Llosas NO) 2065m E  
Agulla de Tchihatcheff      
(Agulla de Llosas Cent.) 3052m E  
Agulla d'Argarot      
(Agulla de Llosas SO) 3035m E  
Espalda de Aneto      
(Cap des Frères Cadier) 3350m E  
Pic de les Tempestats 3310m E  
Pic de Margalida 3230m E  
Pic Russell 3205m E  
Tuc de Mulleres 3010m E  
Vallibierna Occ.      
(Tuca de las Culebras) 3062m E  
Vallibierna Or. 3067m E  


(1) Ce pic et le suivant figurent dans la carte Alpina comme au dessous de la cote des 3000 mètres ; toutefois, ils apparaissent avec la cote signalée dans le guide du CEC (Posets-Maladeta) et dans une liste de trois mille, celle dont on fait mention à la fin de ce travail. Je les ai insérés dans la liste.

(k) (l) Il semble qu'il parle de la liste de trois mille aragonaise de Salvador Morales en 1973.

Besiberri-Coma les Bienes (1)      
       
Besiberri Nord 3014m E  
Besiberri Central      
(Doble Ressalt) 3003m E  
Besiberri Sud 3030m E  
Coma Lo Forno      
(Coma Les Torres) 3030m E (m)
Punta Passet 3003m E  
Punta Alta de Coma les      
Bienes 3014m E  
Pala Alta de Serraders (2) 3001m E  


(1) Avec le Tuc de Mulleres et ceux compris dans le groupe suivant (Pique d'Estats), ils composent les trois mille catalans. Tous les autres sont partagés entre l'Aragon et la France.

(2) Selon la carte Alpina, un autre trois mille qui ne l'est pas, mais qui figure à ce titre dans le guide du CEC (Pallars-Aran).

(m) Le nom de Coma les Torres est, en réalité, le pic de 2815m placé à l'Est du sommet principal. Aussi nommé Comoloforno de Gourdon, car ce fut le point qu'il atteignit dans sa tentative au Coma lo Forno le 10 octobre 1876.

Pica d'Estats      
       


Nous n'avons pas trouvé cette zone. Elle doit comprendre quatre cimes de trois mille pour compléter les 138 cimes de la liste. Ce sont sans doute : La Pique d'Estats, le Montcalm, le Pic du Port de Sullo et il reste un doute pour la quatrième cime, c'est le Pic Verdaguer ou le signal géodésique de la Pique (Pointe Gabarró).

FTer

vendredi 2 août 2013

Les trois mille fantômes. Aiguille du col de Coronas.

Au Nord-Ouest du point culminant des Pyrénées s'ouvre le col de Coronas (col Coronné) qui sépare l'Aneto du reste de la crête des Monts Maudits. Ce col est connu de tous car il est le point de passage pour les deux voies les plus suivies de l'Aneto. On peut assurer que, par ici, sont passés tous les pyrénéistes depuis 1842, année de la conquête. C'est le point de repère quand on traverse n'importe quel des Portillones, ou quand on arrive aux lacs de Coronas en montant du Sud. Son caractéristique lac intermittent, qui se formait sur la glace du glacier de l'Aneto, était une des splendeurs que procurait l'ascension à l'Aneto, jusqu’à il n’y a pas longtemps. La fonte des glaciers a fait disparaître ce phénomène, tout comme une grande étendue du glacier de Coronas versant Sud, à présent réduit à l'état de névé, c'est à dire, sans mouvement.

Ce col, donc, s'ouvre entre l'Aneto et le Pic de Coronas, plus exactement, vu que nous traitons de pointes secondaires de trois mille mètres, entre la Pointe des Dechaussés ou Oliveras-Arenas et la Tuque du Col de Coronas. N'importe qui, depuis le vrai col, essayant d'atteindre le Pic de Coronas, aura remarqué qu'on laisse une partie de la crête au Sud, en passant facilement versant Nord jusqu'à une sorte de couloir désagrégé qui, pénible, permet l'accès au replat supérieur du Pic de Coronas. Dans ce tronçon de crête qu'on évite habituellement, se dresse, modeste, un grand bloc sous forme de sentinelle qui tue le temps en surveillant, à ses pieds, le transit par le col et accueillant, certes, peu de visites. Il faut éviter la tentation de déambuler par le facile versant Nord et se résoudre à progresser à toute crête, par le reste peu compliqué, pour atteindre ce point que nous avons nommé Aiguille du Col de Coronas.

On peut faire remonter le premier parcours le long de cette crête au 24 juin 1906, quand Mosén Jaume Oliveras et Antoni Arenas tentent d'atteindre le sommet de l'Aneto depuis la vallée de Coronas sans aucune sorte de matériel pour la progression sur glace. En se trouvant sous le col de Coronas défendu par son glacier, ils remarquent qu'ils peuvent accéder au Pic du Milieu par le contrefort qui se projette au Sud. Aussitôt dit, aussitôt fait, à 11 heures du matin ils foulent la cime du Pic du Milieu. De là, ils se dirigent vers l'Aneto en se maintenant sur la ligne de crête pour esquiver la glace. Voici le récit de Mosén Oliveras : "...En suivant la crête, nous descendons vers le col de Coronas, que nous chevauchons par sa crête rocheuse au-dessus du lac et, avec grands équilibres et difficultés majeures, nous continuons par dessus la rimaye jusqu'à la crête, qui, déjà, sans difficulté aucune, nous entraîna au Pas de Mahomet (sic), que nous trouvons très facile, car nous avions déjà six heures d'endurance sur des crêtes plus difficiles et dangereuses que celle-là." [Oliveras, Jaume. "Al Aneto por su arista NO. y descenso por la cresta de Llosas". Montaña nº 47, año X, ene-feb 1957, pp.221-225]. Agusti Jolís relate aussi le fait dans son livre "La conquista de la Montaña" [Barcelona, Herakles, 1954, pp.114 y 116], bien qu'il se trompe en prolongeant le parcours d'Oliveras et Arenas, écrivant qu'ils montent au Pic Maudit par la crête de Cregüeña. Russell était passé par là en 1864, en descendant du Pic Coronas pour s'acheminer vers l'Aneto, mais il passe par le lac pour entreprendre la montée du glacier [Souvenirs d'un montagnard. Pau, Vignancour, 1878, pp.41-42].

Descente du Pic de Coronas sur le col de Coronas. (photo: Jesús Mari Linaza)

Le 10 août 2012, Jesús Mari Linaza et Juan Carlos Martínez prennent les mesures de l'aiguille; et le 28 du même mois ce sont Fidel Saez de Heredia et Luis Mata qui font la même chose. Dans la cartographie du SITAR la proéminence de l'aiguille est de 9,3 mètres; mais les trois mesures GPS faites signalent une proéminence supérieure.

Données tecniques:
                  SITAR     J.Mari      Fidel      Luis
Brèche Ouest      3219m     3219m.      3221,5m.   3220m.
Aiguille          3228,3m   3231m.      3233m.     3235m.(mesure ponctuelle)

Dans ce cas, nous disposons de plusieurs mesures et pouvons admettre l'Aiguille du Col de Coronas comme nouveau trois mille.

Aiguille du Col de Coronas. (photo: Luis Mata)

Consultez l'activité dans les liens suivants :

Crête du Milieu.
Crête Maudit-Coronas.

FTer

vendredi 24 mai 2013

Les trois mille qui ne l'étaient pas.

Dans les textes pyrénéistes, çà et là, dispersés comme des pépites d'or, apparaissent quelques trois mille qui, ultérieurement, ne l'étaient pas. La soif des pionniers pour trouver de nouveaux sommets élevés, entraînait quelque exagération sur l'altitude de certains pics, souvent prise à vue d'œil, d'autres avec des outils plus précis. La caractéristique commune est de s'être trouvée, pour un temps plus ou moins long, dans la noblesse pyrénéenne. Bien entendu : noblesse altimétrique.

Nous allons faire une révision de ces cimes. Quelques-unes n'ont pas besoin de présentation, l'écoulement du temps ne les a pas malmenées. Des autres, on a même oublié le nom avec lequel elles furent baptisées un jour. L'établissement d'altitudes plus exactes est un processus qui se poursuit aujourd'hui. Rappelons que, en des temps récents, des cimes ont été supprimées de la liste de trois mille pour n'être pas à l'altitude requise.

Voilà un retour au temps de l'exploration des Pyrénées. Donc ce n'est pas une surprise de trouver les noms de ceux qui se préoccupaient d'établir des altitudes ou réalisaient les premières ascensions.


Faux trois mille dans le massif calcaire.
Autour du Mont Perdu, chanté par Ramond, abondent les candidats au trois mille qui sont restés sur le côté. Chose logique puisque ce fut une des premières zones à être étudiée avec attention. On ne sera pas surpris de voir ici le nom de Franz Schrader qui fut le premier à lever une carte détaillée du massif.

Le Pic d'Escuzana 3050m.
L'altitude du Pic d'Escuzana est aujourd'hui de 2848m. La première référence de son altitude excessive vient de la main de Schrader dans l'Annuaire du Club Alpin Français en 1875. Pendant une ascension au Gabietou avec Célestin Passet le 23 août 1875, il dit : "Quant au vallon de Salarons, le voici en abrégé : à droite, le pic de l'Escuzana (3050m), un peu plus élevé que le Gabietou et hardi comme une flèche de cathédrale". De quoi parle Schrader? L'ascension par le glacier nord les a conduits à la Pointe Orientale du Gabietou, et c'est de là qu'il réalise sa description. On voit parfaitement qu'il décrit la Pointe Occidentale, un peu plus élevée et d'allure aiguë depuis sa pointe jumelle.
Cette altitude du vrai Pic de l'Escuzana n'allait pas persister. Le 10 septembre 1878, Alphonse Lequeutre guidé par Henri Passet, se dirige vers le pic signalé par Schrader. Voici sa conclusion publiée dans l'Annuaire du CAF en 1878 : "Ce pic est désigné sur la carte de mon ami Schrader sous le nom de Pic de la Gatère, et il attribue le nom d'Escuzana à un pic plus septentrional et plus élevé de 200 mètres, situé du reste dans le même vallon et au-dessus des mêmes pâturages. Du sommet où je suis monté, le grand pic se profile sur le Gabiétou et, par conséquent, invisible ; je n'en ai reconnu l'existence qu'en examinant les tracés et les dessins de M. Schrader avec lui, après mon retour à Paris. Mon guide a-t-il donc fait erreur en me conduisant sur le pic de 2840m ? Je ne le crois pas : d'après le vieux chasseur Castetx qui connaît admirablement le pays et d'après les renseignements des gens de Torla et de Boucharo, le nom de la Gatère s'appliquerait seulement aux murailles, et le nom d'Escuzana aux pâturages et aux pic (sic), et naturellement au seul pic visible de la vallée de Broto, c'est à dire au pic de 2840m. dont j'ai fait l'ascension. Quant au pic de 3050m, on l'ignore, et on le confond avec le Gabiétou. Je crois donc pouvoir désigner, au moins provisoirement, sous le nom de l'Escuzana, le sommet que j'ai atteint, sauf à donner plus tard, s'il y a lieu, au pic de 3050m le nom de grand pic de l'Escuzana. Ce à quoi penchent du reste mon ami Schrader et notre guide Henri Passet."
Ce qui est arrivé ici est donc une erreur toponymique. Le pic de la Gatère de Schrader c'est le vrai Pic de l'Escuzana ; et le pic de 3050m c'est en réalité le Grand Gabiétou.

Les murailles de la Gatère et le Pic de l'Escuzana, vue prise de Torla (Dessin de F.Schrader, d'après nature). Annuaire du Club Alpin Français 1878. [google.books]

Le Pic d'entre les Brèches 3000m.
Une simple note d'Henri Beraldi dans "Cent ans aux Pyrénées. Livre V" nous parle de ce trois mille. Il est, évidemment, aujourd'hui nommé Pic Bazillac. Beraldi relate la campagne d'Henri Brulle en 1888. Le 20 août, guidé par Célestin Passet, il monte par la voie nord. Cette voie avait été déjà parcourue deux fois auparavant : en 1887 par Bazillac et le même Célestin et en 1888 par de Monts, Viennot et Henri Passet. Le rocher verglacé leur avait posé bien des problèmes. Dans les carnets posthumes de Brulle "Ascensions. Alpes, Pyrénées et autres lieux", recueillis par Beraldi et Arlaud et publiés pour la première fois en 1936, le Pic entre les Brèches figure déjà avec son altitude actuelle de 2972m.

Les vrais jumeaux pyrénéens : Castor et Pollux.
En plus des Jumeaux mentionnés par d'Espouy dans les cimes de la crête nord des Posets, les Pyrénées possèdent une paire plus ancienne et, comme dans les Alpes, mieux nommée. La nomination vient, une fois de plus, d'Henri Brulle. Ce sont les deux sommets ou gendarmes qui se placent sur la crête qui va de l'Astazou Occidental au Pic de Marboré et qui définissent, par conséquent, le triple col d'Astazou entre Gavarnie à l'Ouest et Tuquerouye à l'Est. Le 8 août 1904, Henri Brulle, son fils Roger et René d'Astorg atteignent le dit col en montant par les Rochers Blancs et poursuivent la crête au Sud, passent par le sommet du Castor (3008m.) et, du col intermédiaire entre les deux pointes, vont vers Tuquerouye afin de descendre vers Gavarnie par la Hourquette d'Allanz. Le 18 du même mois, Brulle avec d'Astorg et Germain Castagné contournent le Pollux dans leur descente du Mont Perdu vers Gavarnie [BRULLE, Henri. Ascension. Orthez, PyréMonde, 2006]. Les altitudes actuelles sont de 2986m pour la cime Sud : Pollux ; et de 2983m pour la cime Nord : Castor.


Faux trois milles à Troumouse.
La crête du cirque de Troumouse ne se borne pas seulement au parcours classique entre le Gerbats et La Munia, une autre section assez intéressante se déroule entre le col de La Munia et le Port de la Canau sur la partie occidentale du cirque. L'altitude décroît depuis la cime de La Munia et ne dépasse pas les trois mille mètres. Néanmoins, durant un temps, deux sommets de trois mille ont existé dans cette zone. Comme tous les deux sont liés, autant par leur genèse que par leur histoire, nous les verrons en même temps.

Pic Arrouye 3039m. et Pène Blanque 3025m.
Dans un dessin de Schrader en 1873, figure un Mount Arrouye avec 3030m. à l'Ouest de La Munia. Ce sommet est cité par Lequeutre dans l'Annuaire du CAF 1875. En 1882, dans l'édition de la feuille Luz de la Carte d'État-major, un Mont Arrouye de 3039m tient compagnie à La Munia. En 1912 c'est Juli Soler i Santaló qui nomme des "Blanques de Lalarri 3000m" dans le Bulletin du CEC. En 1920 c'est Jean Arlaud, d'après ses carnets, qui le gravit. Cette même année, Jean-Pierre Rondou signale dans le Bulletin Pyrénéen, "Essai sur la toponymie de la vallée de Barèges" que : "Les deux cotes d'altitude données par l'État Major, 2811 pour Pène Blanque et 3039 pour le Mont Arrouy, sont interverties, selon M.Briet. C'est Pène Blanque qui est le plus haut sommet de cette partie de la crête, et auquel il faut attribuer 3039m.". Par la suite, Arlaud y retourne pour monter au Pène Blanque, signalant une altitude de 3025m, mais en maintenant les 3030m pour le Pic Arrouye. Finalement, en 1938, le général H. Barrère signale la perte du rang de trois mille pour le Mont Arrouye par suite de la triangulation faite durant la période 1913-1919 par Maurice Heïd. Les résultats de cette triangulation ont été publiés sous le nom "La Triangulation complémentaire du massif de Troumouse" par Marrimpouey Jeune, Pau. Le commandant d'alors, M. Barrère, signale que les différences d'altitude entre ces deux sommets ont leur origine dans une importante erreur de planimétrie de la carte d'Etat-major, où les deux sommets donnent un écart planimétrique respectivement de 300m et 500m. En notant que : "Ces erreurs semblent dues à des visées d'intersection ne se coupant pas bien et ayant de fortes pentes ; visées faites depuis l'aire du Cirque. Le décalage en cote correspond presque exactement à celui de la planimétrie, si on admet les visées zénithales déterminantes comme prises de l'emplacement de la Vierge du Cirque." Les altitudes actuelles sont 2888m pour le Mont Arrouy et 2902m pour le Pène Blanque.

Schéma de la Triangulation complémentaire du massif de Troumouse. Maurice Heïd. 1938.


Le Luchonnais, alentours du Pic Maupas.
Le Pic Maupas est un repère géodésique important dans les Pyrénées, car il copartage la catégorie du signal de premier ordre des triangulations française et espagnole. Dans ses environs on avait cru aussi entrevoir deux cotes dépassant les trois mille mètres mais qui, finalement, ne les atteignaient pas.

Forca de Remuñe 3000m.
L'inclusion de la Forca de Remuñe dans le club des trois mille vient de la main de Henry Russell, qui, en 1881, dans un article publié dans l'Annuaire du CAF le définissait comme : "pic de premier ordre qui doit presque atteindre les 3000m". C'est manifestement une estimation à l'œil un chouia excessive, puisque ledit sommet cote 2945m aujourd'hui.

Mail Barrat ou Boum Oriental 3060m.
La considération de cette cime comme 3000 dura assez longtemps : elle fait son apparition comme Mall Barrat dans le Guide Soubiron en 1920, puis réapparaît dans les guides et cartes ultérieures. Il faut signaler que l'erreur semble venir de l'altitude octroyée au Boum dans la carte "Les Monts Maudits" de Charles Packe en 1866, où on signale une altitude de 3060m. Russel la découpe en deux cimes en parlant d'un Deuxième Boum avec 3000m, découpage qui se voit dans des cartes plus tardives : le Boum Occidental avec 3010m et l'Oriental avec 3060m (Carte de Ramón de Semir publiée par le CEC en 1928 ; feuille 3 de la Carte Ledormeur en 1945...) bien que, à ce moment là, accompagnés du vrai Mall Barrat avec 2970m. À signaler, en passant, un Port Bielh à 3060m cité dans "Les Guides Bleus" de l'Éditeur Hachette, où on ne se sait pas s'il est le Port Vielh ou le supposé Boum Oriental.


Le Cotiella.

Cotiella 3010m-3130m.
Le Cotiella, visible d'une grande partie de la Chaîne, ne pouvait pas rester en dehors de cette liste. Corabœuf, en 1825, lui octroyait une altitude de 2910m dans ses lignes de mire depuis les signaux français. Cette altitude fut corroborée par Enrique Uriarte et Manuel Quintana lors des opérations géodésiques faites en 1864 et qui entraînèrent sa conquête. Cette ascension, soupçonnée mais inconnue jusqu’à il n’y a pas longtemps, fut suivie un an après, en 1865, par Henry Russell, qui jugeait la hauteur du Cotiella de 3010m. De plus, en 1875, Franz Schrader cite dans l'Annuaire du CAF une altitude de 3130m, valeur relevée dans un nivellement depuis La Munia. Même si, en 1877, à l'occasion de sa montée au pic, il l'établissait définitivement à 3010m. Il semble y avoir un acharnement pour classer le Cotiella parmi les trois mille, puis on s'aperçoit que dans la Reseña Geográfica y Estadística de España, publiée par l'Instituto Geográfico y Estadístico en 1888 et 1912, on boude la donnée fournie dans la campagne géodésique de 1864, et on copie sans honte l'altitude donnée par Schrader dans l'Annuaire du CAF, avec 3130m.


Massif de Cotiella, vue prise de la Punta de Salinas. Reproduction, par le procèdé Gillot, d'une esquisse de M. F.Schrader. Annuaire du Club Alpin Français 1877. [google.books]

Punta Suelza 3000m.
Nous ajoutons ici un autre trois mille mentionné aussi par Schrader. Dans l'Annuaire du CAF, en 1874, il cite le Pic Los Libones 3000m dans un nivellement fait depuis le Balcón de Pineta. En 1878, il connaît déjà son nom, Punta Suelza, mais il maintient l'altitude de 3000m.


Aux Monts Maudits.
Le massif le plus haut de la Chaîne accueillait de nombreux sommets qui étaient réputés comme des trois mille, et qui furent conquis pour cela.

Pic Central d'Estatats 3000m.
L'attribution de l'altitude et sa première visite sont l'œuvre d'Henry Russell, qui, dans l'Annuaire du CAF 1883, décrit son ascension du 31 août 1883 accompagné de Firmin Barrau et d'un jeune benasquais. Selon la carte de Schrader, sa hauteur est jugée un peu en-dessus des trois mille. Dénommé comme Pic Central d'Estatats, Russell signale deux autres pointes plus orientales précédant le Pic Eroueil (Aragüells) qui, étant plus élevées, dépasseraient, elles aussi, les 3000m. L'altitude actuelle est de 2986m et son nom : Pico de Cregüeña.

Pic Oriental d'Estatats 3000m.
En 1902, Fontan de Négrin, d'Ussel, Bertrand Courrège et Pierre Rauzy, suivent le témoignage de Russell et convoitent de s'octroyer une première sur un plus de trois mille avec cette pointe-là, qu'ils atteignent le 3 octobre (Annuaire du CAF 1903). L'altitude réelle est 2990m Pico de l'Agulla.

Pic de Piedras Albas 3010m.
C'est l'autre sommet noté par Russell, le plus proche du Pic Aragüells. Sa hauteur, aujourd'hui, est 2993m, Piedras Albas ou Tuca de Aragëlls.

Quelques-unes de ces pointes-là dans la crête d'Estatats ont figuré longtemps dans la cartographie et bibliographie comme trois mille. Citons la Mapa Topográfico Nacional en 1934, feuille 180; la carte de Léon Maury "Les Monts Maudits" en 1945; les premières éditions des cartes Alpina "Alto valle del Ésera I - La Maladeta" en 1958; le Guide Posets-Maladeta d'Armengaus et Jolís en 1957 et 1968; l'œuvre de Cayetano Enríquez de Salamanca "Por el Pirineo Aragonés" en 1976.


La Sierra de Montarto.
Avec ce nom on nommait toute la chaîne de montagnes qui se lève à l'orient de la rivière Noguera-Ribagorzana et qui borne au midi le Val d'Aran, allant des Beciberris au Montarto. Explorées tardivement, leurs altitudes n'étaient pas claires.

Pointe Lequeutre 3028m.
Cette altitude lui est octroyée par Fontan de Négrin lors de son ascension au Comoloforno en suivant cette voie en 1900. Le récit peut se trouver dans le Butlletí nº 105 du CEC en 1903. Négrin conclut, comme Brulle et Bazillac, que le Comoloforno est un pic d'abord difficile. Le passage de la brèche qui sépare la Pointe Lequeutre de la pointe Passet est vraiment hardi à l'époque. Actuellement elle cote 2967m.

Pic d'Abellanés ou sans nom 3000m.
Au même moment, en 1900, Fontan de Négrin s'adjugeait la première d'un pic placé à l'Est de la Pointe Senyalada, et séparé du Comoloforno par un col profond. Il juge une hauteur de 3000m et signale que, même sans nom dans les cartes, il est connu dans le pays sous le nom de Pich d'Abellanés. En fait, ce n'est pas une première, puisque Russell avait ascensionné ce pic en 1869 en croyant gravir le Beciberri. Le comte le nomme Besiberri Occidental 2980m, hauteur plus réelle.


Aigües Tortes.
Dans l'endroit splendide d'Aigües Tortes et San Mauricio, un grand nombre de sommets frisent les 3000m. Il n'est pas étonnant que quelques auteurs aient placé là des trois mille qui ne l'étaient pas.

Pala Alta del Serrader 3001m.
Découverte par Franz Schrader en 1880 avec le nom de Comolos-Altes à l'occasion de sa première ascension à la Pointe Alta. La première fois que nous la trouvons avec une altitude de 3000m, c'est dans le Butlletí du CEC nº105 selon Fontan de Négrin. Dans la Carte Nationale Espagnole, dans la feuille nº186 en 1936, apparaît le nom de Punta Alta et 3001m. Dans le guide du CEC Pallars-Aran en 1971, œuvre d'Agustí Jolís et Maria Antonia Simó, cela se poursuit avec 3001m et le nom de Pala Alta del Serrader. L'altitude actuelle est de 2983m.

Grand Pic de Colomers 3005m.
Schrader lui octroie une altitude barométrique de 3005m le 11 août 1880, bien qu'il note que l'altitude par visées soit de 2926m.

Pic San Cristobal 3170m.
Maurice Gourdon, dans l'Annuaire du CAF 1879, signale ce pic. Il accomplissait son ascension le 30 juillet 1879. Un des bergers lui signale le nom utilisé. Schrader mettra son vrai nom et altitude dans l'Annuaire du CAF l'année suivante, c'est le Pic de Peguera de 2982m.

Pic de San Cristobal (Sierra de los Encantados) Maurice Gourdon. Annuaire du Club Alpin Français 1879. [google.books]


Les Pyrénées Orientales.
Dans les Pyrénées Orientales se révèle aussi un trois mille, donné dans ce cas, sans aucun outil de mesure.

Mont-Rouge 3000m.
Le témoignage vient de la main de Russell dans ses "Souvenirs d'un montagnard", où il narre son retour de l'Espagne en 1864 quand il fut appréhendé par les douaniers du village de Couflens "aux pieds du Mont-Rouge 3000m".

À tout cela, il faut ajouter ces cimes données pour trois mille dans les listes de Buyse et qui, depuis 1993, ont vu diminuer leur hauteur suite aux levées des Instituts Cartographiques.
Ce sont:
Diente Royo : de 3010m. à 2991m.
Frondella Suroeste : de 3001m à 2989m.
Arnales : de 3006m. à 2996m.
Besiberri del Mig Norte : de 3002m à 2996m.
Besiberri del Mig Sur : de 3003m. à 2995m.
Punta Célestin Passet : de 3002m. à 2998m.

FTer

mardi 9 avril 2013

La liste de trois mille de Jacques Jolfre (1980).

Jacques Jolfre (Toulouse, 1937) est un célèbre spéléologue et pyrénéiste, auteur d'une production bibliographique abondante.

Nous trouvons ici la première liste de trois mille publiée par un Français. Par rapport aux listes publiées au Sud, la longue histoire du pyrénéisme français a dû patienter jusqu’à une date aussi tardive pour disposer d’un inventaire des "toits" pyrénéens. Bien sûr, nous avons pour références les listes françaises précédentes, mais elles ne parvinrent pas à devenir publiques (liste Baudrimont). Ici se révèle un sujet sociologique qui mériterait d'être étudié. Peut-être a-t-on, dans la collectivité montagnarde du Nord, le sentiment que les Pyrénées sont connues de tous ? Ou que personne ne les connaît assez bien pour faire autorité sur le thème ?

Quoi qu'il en soit, Jacques Jolfre se décide, en 1980, à publier une liste. Il le fait dans le bulletin trimestriel des sections pyrénéennes du CAF, Revue Pyrénéenne 6ème série nº 10, juin 1980, pages 8 et 9.

Couverture de la Revue Pyrénéenne numéro 10.

Il choisit de comptabiliser seulement les hauteurs ayant un nom, rejetant volontairement les cotes anonymes. Pratiquement, c'est le seul critère employé en ces années-là pour établir une liste. Il énumère 132 pics. Mais Jolfre apporte une nouveauté qui est de séparer les sommets selon leur importance : il est le premier à le faire. Il nuance en précisant que c’est un avis tout personnel et qu'il ne veut l’imposer à personne. Donc, il discerne les vrais sommets (92), signalés par un astérisque dans sa liste, et les restants (40). À l'heure de faire cette différenciation, Jolfre souligne que, malgré l'énumération des critères qui semble claire, le labeur devient vite un vrai casse-tête au moment d'examiner la réalité.

Les altitudes sont tirées des cartes de l’IGN français, ou des Guides Ollivier, ou des cartes espagnoles, ou à défaut du Guide Ledormeur.

Ultérieurement Jacques Jolfre faisait partie de l'Equipe des Trois Mille de Buyse, et sans doute contribua-t-il à la constitution de la liste parrainée par ce dernier.

La relation de Jolfre avec les trois mille ne finit pas là, car il publie en 1991 un livre spécifique "Pyrénées 3000", bien qu'il soit plus photographique qu'autre chose ; il énumère onze zones établies par Buyse, quoiqu'il cite seulement les cimes les plus importantes, ne suivant même pas sa propre liste.

Nous reproduisons ci-dessous la liste en entier de Jacques Jolfre telle qu’elle fut publiée. Les notations éclairciront les points confus.

* Pic d'Arollas   3051m (1)
* Pic Banderas   3021m (2)
* Pic Algas   3041m (3)
  Pics d'Enfer : Cime Ouest 3073m  
*   Cime Centrale 3081m  
    Cime Est 3076m  
* Pic Balaïtous   3144m  
  Aiguille Cadier   3022m  
* Pics de Frondellas : Oriental 3063m  
    Central 3025m  
    Occidental 3006m  
  Tour Cadier   3049m  
  Aiguille d'Ussel   3022m  
* Pic de la Grande Fache   3005m  
* Pic de Vignemale (Pique-Longue)   3298m  
* Piton Carré   3197m  
* Pointe Chausenque   3204m  
* Pic Petit Vignemale   3032m  
* Pic du Clot de la Hount   3289m  
* Pic Cerbillona   3247m  
  Pic Central   3235m  
* Pic Montferrat   3219m  
* Pic Grand Tapou   3150m  
  Pic du Milieu   3130m  
* Pics Gabiétous : Occidental 3034m  
    Oriental 3031m  
* Pic Taillon   3144m  
* Pic Casque de Marboré   3006m  
* Tour du Marboré   3009m  
* Pic de l'Epaule du Marboré   3073m  
  Pics de la Cascade : Occidental 3095m  
    Central 3029m (4)
    Pic Brulle 3106m  
*   Oriental 3161m  
* Pic Marboré   3248m  
  Pic Petit Astazou   3012m  
* Pic Grand Astazou   3071m  
* Pic Cylindre du Marboré   3325m  
* Pic Mont Perdu   3355m  
* Soum de Ramond   3260m  
* Pic Las Olas   3002m  
* Pic Louseras (ou Robinera)   3003m  
* Pic de la Munia   3133m  
  Pic de la Petite Munia   3096m  
* Pic Serre Mourène   3090m  
* Pic Troumouse   3085m  
  Pic Heid   3022m  
* Pic Néouvielle   3091m  
* Pic Ramougn   3011m  
* Pic des Trois Conseillers   3039m  
* Turon du Néouvielle   3035m  
* Pic Long   3192m  
  Pic Maubic   3058m  
* Pic Bugarret (ou d'Estibère Bonne)   3031m  
  Dent d'Estibère Mâle   3017m  
* Pic Badet (ou d'Estibère Mâle)   3160m  
  Pic Maou   3074m  
* Pic Campbieil   3173m  
* Pic d'Estaragne   3006m  
  Crête Carbounouse-Point culminant   3021m  
* Pic Batoua   3034m  
* Pic Lustou   3023m  
* Pic de l'Abeillé   3028m  
  Pic Petit Bachimale   3061m  
  Pointe Ledormeur   3120m  
* Pic Schrader (ou Grand Bachimale)   3176m  
* Punta del Sabre   3136m  
* Pics de Clarabide :   3020m  
    Oriental 3010m  
    Nord 3012m  
* Pic Saint-Saud   3043m (5)
  Pic Camboué   3003m (5)
  Pointe Lourde-Rocheblave   3104m  
* Pic Gourgs Blancs   3128m  
* Pic Belloc   3008m  
* Pic des Spijeoles   3066m  
* Pic Gourdon   3034m  
* Pic du Port d'Oo (Jean Arlaud)   3065m  
* Pic Seil de la Baquo   3103m  
* Pic Portillon d'Oo   3050m  
* Pic Perdiguère   3222m  
* Pointe Literole   3132m  
  Pic Royo   3121m  
* Pic des Crabioules : Oriental 3116m  
    Occidental 3106m  
* Pic Lézat   3107m  
* Pic Quayrat   3060m  
* Pic Maupas   3109m  
* Pic de Boum   3006m  
* Pic Bécibéri Nord   3014m  
* Pic Bécibéri du Milieu   3003m  
* Pic Bécibéri Sud   3030m  
* Pic Comolo Forno   3033m  
  Pic Célestin Passet   3002m  
* Punta Alta Comolo Pales   3014m  
* Pic d'Albe   3100m  
* Dent d'Albe   3114m  
* Pics Maladeta Occ.: 1er pic 3270m  
    2e pic 3220m  
    3e pic 3187m  
* Pic Le Bondidier   3150m  
* Pic Maladeta   3308m  
  Pic Maudit   3350m (6)
* Pointe d'Astorg   3354m  
* Pic du Milieu   3345m  
* Pic Coroné   3310m  
* Pic Néthou   3404m  
  Epaule du Néthou   3350m  
  Aiguilles de Llosas : Aig. Franqueville 3066m  
    Aig. Tchihatcheft 3048m  
    Aig. Argarot 3030m  
* Pic des Tempêtes   3310m  
* Pic Margalide   3260m  
* Pic Russell   3205m  
* Pic Erouel (ou Araguëlls)   3037m  
* Pic Piedras Albas ou Estatats Oriental   3000m (7)
* Pics Malibierne : Oriental 3067m  
    Occidental 3062m  
* Pic des Moulières   3010m  
  Pic Los Gémélos   3160m  
* Pic Bardamina   3079m  
* Pic des Posets ou de Llardana   3375m  
* Pic Las Espadas ou Llardaneta   3332m  
* Pic des Pavots ou Tucon Royo   3121m  
* Pic des Tourets ou Forqueta   3007m  
  Tucon de la Canal ou Diente de Llardana   3085m  
* Pic Eristé Nord ou Béraldi   3025m  
* Grand Pic d'Eristé ou de Baguenola   3053m  
  Pic Eristé Méridional ou Baguenola Sud   3045m  
* Pic d'Estats   3143m  
* Pic Montcalm   3078m  
* Pic Sullo   3072m  

(1) C'est le Garmo Negro. L'imbroglio toponymique des sommets qui dominent les bains de Panticosa est une constante dans le pyrénéisme français. La cartographie espagnole n'a pas contribué à l'éclaircir non plus. Les éditions successives de la carte Panticosa-Formigal de l'Editorial Alpina ont contribué, depuis 1979, à fixer la toponymie.

(2) C'est l'Algás. Même remarque que pour le pic précédent. Ici il porte la dénomination erronée de Pic de la Bandera octroyée dans el Mapa Topográfico Nacional espagnol 1:50000, feuille 145, dans ses premières éditions en 1936 et 1963.
 
(3) C'est l'Argualas, suivant le nom octroyé dans leurs guides par P.Soubiron (1920,1930) et R.Ollivier (1953).

(4) On dirait que c'est une erreur. Le Pic Central de la Cascade est le Pic Brulle. En plus, l'altitude mise pour ce Pic Central ne montre pas la réalité des Pics de la Cascade, puisque les altitudes vont en augmentant vers le Pic Marboré.

(5) Typique inversion dans les altitudes entre le Pic Saint-Saud et le Camboué. L'erreur vient du Guide Ledormeur ou de sa Carte de 1945, feuille 3, où la position des deux sommets est échangée. En outre, il y a une édition, en 1980, d'une "Carte de randonnées, 5-Luchon, Aure-Louron" de l'IGN à l'échelle 1:50000, où on indique seulement un Pic Saint-Saud de 3043m.

(6) Jacques Jolfre explique que, quand deux pics sont très proches, éloignés de peu de minutes, il signale comme principal le plus haut, ici la Pointe d'Astorg. Ce lieu est problématique depuis toujours, car la cime orographique principale est le Pic Maudit, mais sur la crête, vers le Pic du Milieu, se dresse un bloc qui est plus élevé, la Pointe d'Astorg. Même si nous appliquons la règle des dix mètres de proéminence on ne résout pas ce fait. Il faut choisir : ou établir la Pointe d'Astorg comme vraie cime du Pic Maudit, ou garder les deux cimes, la plus haute (Astorg) et la plus importante (Maudit).

(7) Le pic de Piedras Albas, voisin du Pic Aragüells, figura longtemps dans la cartographie avec 3000 mètres d'altitude. Pic nº 4 d'Estatas avec 3010m dans la carte esquisse "Les Monts Maudits" de Léon Maury en 1945. Et dans la première édition de la carte Alpina "Alto valle del Ésera I - La Maladeta" en 1958, il est répertorié avec une altitude de 3000m. Plusieurs cotes de 3000 mètres au Sud du Lac Cregüeña dans les éditions, la première en 1934 et la deuxième en 1950, de la feuille 180 Benasque de la Carte Topographique Nationale 50k. Aujourd'hui son altitude est de 2998m.

FTer