Les trois mille fantômes. Aiguille d'Arnales.
"Le temps tourne considérablement au beau, grâce au vent fort qui chasse les nuages. Je suis déjà sur la cime Sud ou Orientale [des Pics d'Enfer] et je poursuis par l'arête qui peu à peu s'élève, jusqu'au moment où elle tombe vertigineusement. Là il y a une brèche marquée, où il peut être opportun de faire un rappel, je cherche tout en m'approchant du bord de la taillade. Je ne trouve aucun ancrage, mais je vois qu'en descendant avec attention en diagonale, en direction de la brèche, il est possible de passer, et en un clin d'œil je suis en bas."
"Je me juche sur l'autre coté au prix de quelques pas délicats, et là, un peu plus haut, je trouve une paire de pitons utiles pour un rappel en sens contraire. Je poursuis par une zone un peu plus facile et dérive à gauche pour atteindre le point le plus haut de cet endroit."
"Je lorgne la suite et je vois que les cotes sont plus basses que là où je suis situé. J'en conclus que je suis arrivé au sommet du Pic d'Arnales car l'arête s'abaisse ensuite. Donc, avec cette conviction et après avoir laissé un morceau de carte, je descends lentement vers le col de Pondiellos. À mesure que je marche et une fois arrivé au col Sarrettes, le point de vue fait que j'en viens à considérer inopportun d'avoir écarté si vite ces autres cotes qui ne me semblaient pas atteindre les trois mille mètres."
"Je doute que oui, je doute que non. Je décide que la meilleure façon d'en finir avec l'incertitude et d'être sûr de n'avoir rien laissé derrière, c'est de retourner et de gravir ces cotes qui se trouvent au dessus du col. Sitôt dit, sitôt fait, je pose le sac et commence à monter tout droit par une crête distrayante et, en peu de temps, je suis au sommet [Arnales Sud]. Comme de là il y en a un autre qui est aussi en vue, je grimpe jusqu'à lui sur l'arête sommitale [Arnales], enchaînant avec la descente que j'avais faite avant depuis ce que je pensais être la seule cime, fermant ainsi en toute sécurité le chapitre de l'Arnales."
Extrait du livre "Qué bonito son los Pirineos" d'Hipólito Maeso. Madrid, Innominada, 2001, pages 26 et 27. Les notes entre crochets sont de moi.
Les noms anciens de la Marmolera, Estibiecha et de Salva ou Quijada de Pondiellos, semblent avoir été remplacés par le plus récent et venu du Nord, Pics d'Enfer. Déjà en 1863 Henry Russell utilisait cette dénomination. À la première ascension sur la Pointe Occidentale en 1867 en compagnie du guide Jean-Marie Sarrettes, ils passèrent une nuit infernale aux pieds du pic ; infernale à cause de la gelée. Mais il n'y a pas à mépriser la tradition judéo-chrétienne, car Prospero García Gallardo signalait dans la revue Peñalara en 1929: "Nous avions en face les parois du Pic d'Enfer composées de précipices de rochers blancs et rouges entremêlés sous forme de flammes, ce à quoi qu'il doit sûrement son nom". Les Arnales sont aussi nommés Pics de Pondiellos dans la cartographie initiale espagnole (Instituto Geográfico, feuille 145-Sallent en 1936 et 1963) ; nom repris par Javi Malo pour la carte C-7 Circo de Piedrafita-Panticosa en 1972 ; et qui, à son tour, inspirait le toponyme utilisé par Feliu Izard dans ses premières listes de trois mille à partir 1985.
Nous avions le projet de vérifier la proéminence d'une aiguille située dans la crête orientale des Pics d'Enfer ou Quijada de Pondiellos. Crête qui les relie au groupe des Arnales. Le récit d'Hipólito nous laissait nourrir quelques espoirs, puisqu'il avait confondu l'aiguille avec le sommet du Pic Arnales. En réalité, l'aiguille n'est montrée dans aucune cartographie, c'est peut être dû à l'exiguïté de la brèche qui la sépare du sommet de l'Enfer Oriental. L'aiguille est citée par Luis Alejos et par Miguel Angulo dans leurs œuvres respectives, mais elle ne figure pas dans la liste de cotes restantes de Buyse.
L'accès à son sommet semblait, à priori, simple en l'abordant du côté des Arnales. C'est pourquoi nous proposons à Rosa Bosch, journaliste de La Vanguardia de Barcelone, de nous accompagner. Rosa nous avait interviewés sur les trois mille en 2012, et elle avait déclaré son envie de partager avec nous une sortie à la recherche d'un trois mille fantôme. Le lieu semblait être convenir, et ainsi, nous nous étions donnés rendez-vous au refuge de la Casa de Piedra aux Bains de Panticosa le vendredi 20 septembre.
Arrivés, donc, à la dite Brèche d'Arnales par Miguel Angulo, col non franchissable entre l'Arnales et le Pic d'Enfer Oriental, nous nous acheminons vers ce dernier en suivant la crête. Des corniches versant Ouest permettent d'éviter la crête effilée. Le rocher se révèle schisteux, nous obligeant à redoubler de précautions. Rapidement nous nous trouvons en face d'une saillie verticale de trois ou quatre mètres de hauteur. On peut la franchir de front au moyen d'une cheminée qui la perce (III), ou l'éviter par la gauche au moyen d'une corniche un peu suspendue, mais où le rocher est solide. À prendre en compte pour le retour s'il se fait par le même lieu. Au dessus de la saillie la pente s'adoucit, mais en même temps la crête devient plus étroite. La progression n'est pas difficile mais il faut toujours contrôler la roche, entremêlée de schiste et calcaire. On arrive tout de suite au sommet de l'Aiguille, mais une profonde brèche adjacente coupe la crête. La suite vers l'Enfer Oriental est à portée de main, mais il faut un rappel de 15m et gravir le mur que nous avons en face (III), où nous remarquons des anneaux pour le rappel.
La mesure GPS au sommet de l'Aiguille, formé par deux ou trois blocs calcaires, nous signale 3034m. Nous faisons un rappel de 15m sur la brèche à la corde double depuis les mêmes blocs sommitaux. À l'arrivée, il reste un mètre de corde. La mesure GPS est difficile car la brèche est très exiguë (1,20m) et là, l'endroit étant encaissé, le signal est aléatoire variant entre 3020m et 3028m. Le seuil de la brèche n'est pas visible depuis la cime de l'Aiguille, ainsi l'un d'entre nous descend une dizaine de mètres au long de l'éperon Sud de l'Aiguille dans le versant de Pondiellos jusqu'à se placer sur un balcon d'où il peut voir le seuil deux mètres plus bas. Prenant en compte la longueur de la corde et les références visuelles, nous pouvons assurer que la proéminence de l'Aigulle excède les 10m, mesurant entre 12 et 13m. Ce qui fait que l'Aiguille remplit la règle pour la proéminence établie par Buyse. L'altimètre barométrique nous signale une dénivellation de 15m.
Le nom choisi d'Aiguille d'Arnales, bien qu'elle soit placée dans la crête de l'Enfer Oriental, essaie de maintenir entre les trois mille le toponyme d'Arnales, dont la cime Sud, un peu en dessous de la Nord principale, a toujours été contestée, et dont la cime principale mesure maintenant 2999,9 mètres selon le SITAR. Bien sûr, au sommet d'Arnales, le GPS nous a signalé 3003m. De même que toutes les mesures faites précédemment ont oscillées entre 3003 et 3006m.
Données techniques :
Aiguille d'Arnales :..... 30T 724333 4740136 z:3034 Brèche de l'Aiguille :..... 30T 724325 4740140 z:3021
Consultez l'activité dans le lien suivant : Aiguille d'Arnales.
Vous pouvez également lire l'article en espagnol publié par Rosa Bosch dans La Vanguardia le 6 octobre 2013, ici et ici.
FTer
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